Méthode d'analyse des mythes

Les éléments du modèle :

La croix,
qui représente la structure
Les diagonales,
qui introduisent la mobilité
Les neufs points,
qui représentent les extémités de chaque ligne et le centre

Le fonctionnement :

- Chaque point représente une étape dans le déroulement de l'action ou du récit.
- Le déroulement chronologique commence en 1 et se termine en 9.
- Les deux extrémités de chaque ligne sont en opposition. L'opposition représente le plus souvent une différence, qui marque la progression, plutôt qu'une contradiction radicale.
- Le sens émerge au fur et à mesure de la progression.


Grille d'analyse de Chahrazade

 

Premier temps : la structure

8

AU TERME DE LA DERNIERE HISTOIRE, CHAHRAZADE OFFRE SES TROIS ENFANTS AU ROI …


1

LE ROI CHARIYÂR PREND UNE FILLE, CHAQUE NUIT, PARMI CELLES DES MARCHANDS ET LA TUE LE LENDEMAIN MATIN

 

 

7

LA SŒUR DE CHAHRAZADE COLLABORE A SON PROJET EN LUI DEMANDANT DE RACONTER DES HISTOIRES, INTERROMPUES CHAQUE MATIN ; CURIEUX DE LA SUITE, LE ROI RETARDE L'ECHEANCE DE L'EXECUTION


2

POUR DELIVRER SES SEMBLABLES, CHAHRAZADE DEMANDE A SON PERE DE L'OFFRIR EN MARIAGE AU ROI

 

9

LE BONHEUR DE TOUS, LA FÊTE ET LA DEMANDE DE BENEDICTIONS

 

6

LE ROI LA FAIT ENTRER DANS SON LIT ; AVANT LE LEVER DU JOUR, CHAHRAZADE DEMANDE AU ROI QU'ON FASSE VENIR SA SOEUR


3

LE VIZIR TENTE DE S'OPPOSER AU PROJET DE SA FILLE

 

5

CHAHRAZADE, HEUREUSE D'ÊTRE OFFERTE AU ROI, CONFIE À SA SŒUR SON PROJET POUR DELIVRER LA COMMUNAUTE ET LUI DEMANDE SON AIDE


4

LE VIZIR FINIT PAR OFFRIR SA FILLE AU ROI



Deuxième temps : les images

8

LES 3 ENFANTS OFFERTS AU ROI
- Le vœu formulé et les enfants présentés
- La grâce demandée
- La grâce accordée…


1

LE MALHEUR
- Le roi qui dort avec une fille et la tue le matin
- Les matrones qui se lamentent
- Les malédictions
- Les prières

 

7

LA SŒUR QUI COLLABORE
- La sœur qui arrive
- La demande d'histoires
- Le fil interrompu
- L'attente du roi pour la suite
- Le meurtre sans cesse reporté


2

CHAHRAZADE QUI VEUT EPOUSER LE ROI
- Sa passion pour la lecture
- Son désir secret révélé à son père, vizir du roi
- Sa volonté de délivrer ses semblables ou de partager leur triste destin

 

 

9

L'ALLEGRESSE PARTOUT
- Jusque dans les quartiers reculés
- Le vizir honoré par un somptueux manteau d'honneur
- Les réjouissances publiques
- Le roi et les siens dans le plaisir, le bonheur

 

6

CHAHRAZADE, QUI ENTRE DANS LE LIT DU ROI
- Les mille jeux
- Les larmes ensuite
- Le désir de revoir sa sœur cadette avant de mourir


3

LE PERE QUI S'OPPOSE
- Après la première nuit, le père condamné à faire périr sa fille
- Le récit du vizir sur l'âne…
- Les arguments qui s'opposent
- La fille déterminée
- L'épuisement du vizir

 

 

5

LA JOIE DE CHAHRAZADE
- La stratégie pour délivrer la communauté révélée à la sœur
- Les conseils donnés pour qu'elle demande des histoires
- Une histoire jamais terminée jusqu'à la délivrance


4

LE VIZIR QUI OFFRE SA FILLE AU ROI
- Le vizir qui présente sa requête
- Le roi étonné
- La fille avertie
- Le roi réjoui
- La nouvelle portée à la fille




Analyse du sens

 

8

LA FILLE QUI LIVRE SES TROIS ENFANTS A L'AMOUR DU ROI ET LE ROI QUI REPOND PAR UNE PAROLE DE VIE, AU-DELA DE TOUTE VIOLENCE


1

L'ANGOISSE DE LA COMMUNAUTE ET DE SES MEMBRES FACE A LA VIOLENCE MEURTRIERE DU ROI ET LA DEMANDE D'AIDE A DIEU

 

 

7

LE DEBAT ENTRE LA VIOLENCE ET LA PAROLE; DE LA PAROLE ENGAGEE PUIS SUSPENDUE A LA VIOLENCE PREVUE MAIS RETARDEE


2

LA DECISION DE CHAHRAZADE D'AFFRONTER LA VIOLENCE MEURTRIERE DU ROI DANS LE MARIAGE POUR SAUVER SES SEMBLABLES

 

9

UNE DELIVRANCE ACCOMPLIE POUR LE ROI,
CHAHRAZADE, LES ENFANTS ET TOUTE LA COMMUNAUTE

 

6

LA DECISION DU ROI MEURTRIER DE FAIRE ENTRER CHAHRAZADE DANS SON LIT ET L'APPEL D'UN TIERS (LA SŒUR) POUR DONNER UNE PLACE A LA PAROLE


3

LE DEBAT ENTRE LA RAISON DU PERE BASEE SUR LA PEUR DE LA MORT, ET LA BRAVOURE DE LA FILLE BASEE SUR LE DEPASSEMENT DE CETTE PEUR

 

5

LA JOIE DE CHAHRAZADE AVEC SON PLAN DE DELIVRANCE EN TÊTE ET LA DEMANDE D'AIDE A SA SŒUR


4

LE PERE QUI CEDE ET LIVRE, MALGRE LUI, SA FILLE A LA VIOLENCE MEURTRIERE DU ROI

 

De la violence meurtrière à la parole


1. Le roi est enfermé dans la violence meurtrière

2. Par peur de souffrir, suite à des tromperies antérieures, il préfère tuer, dès le matin, les jeunes femmes qu'il choisies pour passer la nuit avec lui

4. C'est le vizir lui-même qui est chargé de l'exécution

5. Cette attitude plonge dans l'angoisse toute la population

4. La fille du vizir décide alors d'affronter la violence meurtrière du roi pour délivrer la population de l'angoisse en demandant son mariage avec le souverain

5. Son père ne peut accepter un pareil projet

6. Il sera l'auteur direct du meurtre de sa fille

7. Il prend le parti d'une raison qui s'appuie sur la peur de la mort

8. Sa fille prend le parti d'une bravoure qui dépasse la peur de la mort

9. Dans ce débat, c'est la bravoure qui l'emporte

10. Le vizir se voit alors contraint de livrer sa fille au roi

11. Assuré du consentement de la fille, le roi exprime un sentiment de joie

12. Chahrazade (la fille du vizir) est également joyeuse, mobilisée tout entière par l'espérance ; elle a son plan qu'elle confie à sa sœur cadette, Dounyazade

13. Elle a besoin d'elle pour introduire la parole dès le premier matin et créer une fissure dans la violence qui s'est refermée sur le roi

14. Appelée par le roi avant l'aube, elle sera chargée de demander à sa sœur de raconter une petite histoire

15. La petite histoire, deviendra, au fil du temps, une grande histoire, avec de multiples rebondissements, constamment interrompue par l'arrivée du jour

16. Son issue doit correspondre avec la délivrance de Chahrazade et celle de toute la communauté

17. La première nuit se passe comme prévue, avec les ébats amoureux

16. Chahrazade fond alors en larmes : elle voudrait revoir sa sœur cadette avant sa mort

17. La roi l'envoie chercher

18. Comme prévu, elle demande à sa sœur de lui raconter une des belles histoires qu'elle connaît

19. L'attention du roi est captée par le récit et sa curiosité de connaître la fin le tient en éveil

20. Mais l'histoire est interrompue par l'arrivée du jour et pourtant les épisodes suivants seront plus beaux et merveilleux encore

21. Le roi est dans l'attente de la suite ; l'exécution de Chahrazade aura donc lieu plus tard

22. La suspension de la parole entraîne la suspension de l'exécution : le roi sort de l'immédiateté

23. L'histoire racontée l'amène à voir ; il faut commencer par voir pour comprendre

24. L'interruption de l'histoire et du voir l'amène à ouvrir son oreille et à écouter la parole qui traverse le récit

25. Peu à peu les jours passent de la même manière et le roi passe constamment du voir à l'entendre

26. La parole écoutée prend corps en lui et le réintroduit dans le désir porteur de vie

27. La violence finit ainsi par perdre sa dimension meurtrière et transmet son énergie à la parole qui réinscrit le roi dans son humanité

28. Au terme de mille et une nuits, la parole écoutée a accompli son œuvre ; elle est là pour structurer le désir de vie et donner naissance à l'amour

29. Chahrazade peut offrir ses trois enfants à l'amour de leur père

30. La violence a trouvé le chemin de la parole, qui l'a libérée de son enfermement, parce qu'elle est maintenant orientée vers la vie et non plus vers la mort

 

Schéma de la cure analytique proposée par Chahrazade
pour traiter la violence

 

8

LA PAROLE, QUI PERMET DE DÉPASSER LA PEUR DE LA MORT, EN DISANT LE MANQUE DE L'AUTRE
- Fondamentalement parler, c'est dire le manque de l'autre


1

BLESSURE A L'ORIGINE
- Elle entraîne le rejet du manque

 

 

 

7

LE RÉCIT EST INTERROMPU POUR QUE LE ROI ÉCOUTE SON PROPRE MANQUE ET SA PROPRE VIOLENCE


2

LE REJET DU MANQUE DONNE NAISSANCE A UNE VIOLENCE MEURTRIÈRE
- Cette violence affecte les femmes et finalement toute la communauté

 

9

RÉINTÉGRER LA COMMUNAUTÉ ET LA SOCIÉTÉ PAR LA RECONNAISSANCE DE L'AUTRE
- Finalement, le roi est amené à intégrer la structure fondamentale, qui lie le soi à l'Autre

 

6

L'ÉCRITURE, PORTEUSE DES STRUCTURES SYMBOLIQUES DE L'HOMME, EST INSTITUEE COMME TIERS ENTRE LE ROI ET CHAHRAZADE
- L'Écriture, ce sont les histoires racontées par chahrazade


3

LE PROBLÈME CONSISTE À SAVOIR COMMENT AMENER LE ROI À INTÉGRER LE MANQUE POUR LE FAIRE ÉCHAPPER A LA VIOLENCE
- Concrètement, la démarche sera de le faire passer de la violence à la parole

 

5

PARTIR DU DÉSIR EN INTRODUISANT LE TEMPS POUR GUÉRIR LA BLESSURE
- Peu à peu le désir perverti du roi sera déplacé vers le désir de connaître


4

CHAHRAZADE EST PRÊTE À AFFRONTER LA MORT
- Elle veut aider le roi à dépasser sa peur maladive de la mort et de la force de mort

 

Schéma analytique : de la violence à la parole

 

1. Une blessure à l'origine, qui entraîne le roi à répéter sur les autres la violence meurtrière qu'il a subie

2. La violence meurtrière révèle un manque non intégré

- La violence fondatrice est dans le manque
- La blessure détruit la capacité de manquer
- Le manque et donc la violence ne sont pas intégrés

3. Invention par Chahrazade d'une cure analytique, utilisant l'Ecrirure, c'est-à-dire les textes faisant apparaître les structures symboliques de l'homme

- Elle va lier la guérison de l'individu et sa réintégration dans la communauté et la société

4. La démarche sera de faire passer de la violence à la parole par la ruse

- La parole s'enracine dans la violence du manque
- Elle est de la violence symbolisée
- Elle dira le manque
- Le passage de la violence à la parole se fait par la ruse

5. Chahrazade doit pouvoir affronter la mort pour aider le roi à dépasser sa peur maladive de la mort et de la force de mort

6. Elle cherche d'abord à introduire le temps dans sa relation avec le roi pour permettre la guérison de sa blessure

7. Dans sa relation thérapeutique avec le roi, l'Écriture (qui donne les structures symboliques de l'homme) est instituée comme tiers et matrice de la parole

- L'Écriture est la mère de la Parole

8. Chahrazade déplace le désir perverti du roi vers le désir de connaître, fondement de tout désir

9. Elle interrompt le récit pour que le roi écoute sa propre violence et son propre manque, et finisse par l'intégrer

10. Après le dépassement progressif de la violence meurtrière, la parole va dire le manque de l'autre et des autres

11. La cure se termine avec la réintégration dans la communauté et la société, liée à la reconnaissance de chacun (qui est l'aveu qu'il me manque)
12. Finalement, le roi est amené à intégrer la structure fondamentale, qui lie le soi à l'Autre


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