Daniel dans la fosse aux lions (seconde version)

De la violence originelle au Dieu de la Parole

Saint-Sever

Daniel dans la fosse aux lions

http://eglises-landes.cef.fr/dossiers/beatus/beatusf.htm

On ne sait pas trop qui se cache derrière le livre de Daniel. Sans doute un sage et, plus qu'un sage, un véritable thérapeute, qui a une visée sociale aussi bien qu'individuelle. Comme le psychanalyste d'aujourd'hui, il sait interpréter les rêves pour permettre à l'individu de retrouver sa voie perdue. En même temps, il discerne les égarements sociaux et religieux, qui conduisent l'homme à la régression. Il pense en particulier que l'idolâtrie est un grave fléau pour la société. Un jour, le roi Cyrus l'interpelle et lui demande pourquoi il n'adore pas le dieu Bel. Ce dieu est fait d'argile et de cuivre et pourtant il se nourrit, chaque jour, de douze artabes de fleur de farine, de quarante brebis et de six mesures de vin. Daniel répond qu'il adore le Dieu vivant, qui a fait le ciel et la terre, mais il ne peut vénérer un dieu fait de main d'homme. Personne ne lui fera croire qu'une statue peut manger de la nourriture. Pour en avoir le cœur net, Cyrus fait venir les prêtres, qui effectuent le service du temple : ils sont au nombre de soixante-dix, sans compter les femmes et les enfants. Ils lui assurent que c'est bien le dieu Bel qui avale la nourriture journalière offerte en sacrifice. Alors le roi s'engage à les faire mourir si la preuve du contraire peut être apportée. Dans le cas contraire c'est Daniel, en personne, qui subira le châtiment.

Un soir donc, des scellés sont mis à la porte du temple. Mais, discrètement, Daniel fait répandre de la cendre, sur le sol du temple, tout autour de la statue. Le lendemain matin, le roi vient, entouré des prêtres. Daniel est également présent. Tous constatent que les scellés n'ont pas été forcés. Déjà le roi triomphe avec ses compagnons. Ils n'ont pourtant pas repéré les multiples traces de pas imprimées sur la cendre. Daniel attire l'attention du groupe. Chacun devient témoin du forfait. Les prêtres doivent indiquer la porte secrète par laquelle ils viennent, chaque nuit, avec leurs femmes et leurs enfants, se rassasier de la nourriture du dieu. Leur sort est immédiatement dicté par le roi : ils mourront dans la matinée même. Quant au dieu Bel, sa statue est livrée à Daniel, qui renverse l'idole.
C'est une histoire assez semblable, qui nous est rapportée, à propos de Daniel condamné à entrer dans la fosse aux lions. Cet épisode nous introduit directement dans le phénomène de la violence.

 

Daniel dans la fosse aux lions


Il y avait à Babylone un grand serpent, qui était vénéré.
Le roi dit à Daniel : " Vas-tu dire que c'est de l'airain ?
Regarde ! Il vit, il mange, il boit.
Tu ne diras pas que ce n'est pas là un dieu vivant.
Adore-le donc ".
Daniel répondit : " C'est le Seigneur, mon Dieu, que j'adore.
C'est lui le Dieu vivant.
O roi, si tu le permets, je tuerai le serpent sans épée ni bâton. "
Daniel prit alors de la poix, de la graisse et du crin,
Fit cuire le tout en fines boulettes
Et les jeta dans la gueule du serpent qui les avala et en creva.
Et Daniel dit : " Voyez ce que vous vénérez ! "

Quand les Babyloniens l'apprirent, au comble de la rage,
Ils se révoltèrent contre le roi.
Ils disaient : " Le roi s'est fait Juif, Bel il l'a laissé renverser,
Le serpent, il l'a laissé tuer, et les prêtres, il les a fait mourir. "
Ils allèrent donc dire au roi : " Livre-nous Daniel,
Sinon nous te ferons mourir, toi et ta maison. "
Devant cette violence, le roi se vit contraint de leur livrer Daniel.

Ils le jetèrent dans la fosse aux lions et il y resta six jours.
Dans la fosse, il y avait sept lions à qui on donnait, tous les jours,
Deux cadavres et deux moutons.
Alors on ne leur donna rien afin que Daniel fût bien dévoré.

Or le prophète Habacuc était enJudée.
Il venait de faire une bouillie
Et de mettre du pain en petits morceaux dans une corbeille
Et il allait aux champs porter leur repas aux moissonneurs.
L'ange du Seigneur lui dit : " Porte le repas que tu as là,
A Babylone, à Daniel, dans la fosse aux lions. "
" Seigneur, répondit Habacuc, je n'ai jamais vu Babylone
Et je ne connais pas cette fosse. "
L'ange du seigneur lui saisit la tête
Et l'emporta par les cheveux jusqu'à Babylone
Où il le posa sur le bord de la fosse, dans l'impétuosité de son souffle.
Habacuc cria : " Daniel, Daniel, prends le repas que Dieu t'a envoyé. "
Et Daniel dit : " Tu t'es souvenu de moi, ô mon Dieu,
Et tu n'as pas abandonné ceux qui t'aiment. "
Il se leva et mangea tandis que l'ange de Dieu
Remettait aussitôt Habacuc en son pays.

Le septième jour, le roi vint pleurer Daniel.
Il vint à la fosse et y regarda.
Et voici que Daniel y était assis tranquillement.
Alors, il s'écria : " Tu es grand, Seigneur, Dieu de Daniel
Et il n'est d'autre dieu que toi. "
Puis il fit sortir Daniel de la fosse
Et y fit jeter ceux qui avaient voulu le perdre,
Lesquels furent aussitôt dévorés devant lui.
(Daniel, Ch. 14, vers. 23-42, Bible de Jérusalem)

La structure du récit

Nourritures de Grand-mère

http://www.fourgrandmere.com/fr/utilisations/familial/

La structure du récit

1. Daniel refuse d'adorer le serpent vénéré par les foules et le roi
Il n'adore que le dieu vivant

2. Il prépare une nourriture qu'il donne au serpent : le serpent meurt
De la poix, de la graisse et du crin, cuits en fines boulettes. " Voyez ce que vous vénérez ", dit alors Daniel

3. Les Babyloniens se révoltent
Ils menacent le roi et réclament Daniel pour le faire mourir

4. Daniel est jeté dans la fosse aux lions
Il y a sept lions à qui on ne donne aucune nourriture pendant six jours

5. Le prophète Habacuc, envoyé près de Daniel par l'ange de Dieu, pour lui porter de la nourriture
De la bouillie et du pain en petits morceaux, préparés pour des moissonneurs

6. Daniel remercie Yahvé et mange la nourriture
Dieu n'a pas abandonné ceux qui l'aiment

7. Le septième jour, le roi vient pleurer Daniel
Il vient à la fosse et regarde

8. Daniel est assis tranquillement dans la fosse aux lions
Le roi s'écrie : " Tu es grand, Seigneur, Dieu de Daniel, et il n'est d'autre dieu que toi "

9. Daniel libéré et ses opposants jetés dans la fosse aux lions
Ils sont aussi tôt dévorés devant lui

Tout s'organise autour de la nourriture : les boulettes qui font mourir le serpent, Daniel donné en nourriture aux lions, la nourriture des moissonneurs envoyée à Daniel, les opposants à Daniel dévorés dans la fosse. Le texte foisonne d'images qu'il faudra décrypter : le serpent qui meurt, la nourriture qui le fait mourir, les lions qui dévorent, les opposants dévorés, la nourriture envoyée à Daniel.

L'éclairage du texte par les images

La Parole de Dieu est un trésor

http://ste-marie.cathocambrai.com/153.htm

 

L'éclairage du texte par les images

1. Le serpent vivant vénéré
Il s'oppose au serpent d'airain

2. La poix, la graisse et le crin
Une nourriture indigeste, qui fait crever le serpent

3. La rage des Babyloniens
La violence du serpent tué transférée sur les Babyloniens

4. Daniel dans la fosse aux lions
Les lions comme réplique du serpent violent, à la violence desquels, Daniel doit s'affronter

5. La nourriture des moissonneurs
Portée par un prophète, elle évoque la Parole de Dieu

6. La nourriture du prophète, reçue comme un don de Dieu
La parole qui réconforte celui qui semble voué à la mort

7. Les pleurs du roi
Ils révèlent l'estime si ce n'est l'affection du roi pour Daniel

8. Daniel assis au milieu des lions
Daniel est insensible à la violence du serpent ou du lion


9. Les opposants dévorés
Les opposants dévorés par la violence qu'ils ont adorée


La violence sacralisée à travers le serpent ne protége pas les fidèles : elle conduit à la mort. Le serpent d'airain, par contre, permettait d'échapper à la violence mimétique, qui provoquait des mutineries. Seul le Dieu vivant assure une protection contre la violence meurtrière et sa parole est une nourriture efficace, qui conduit à la vie, pour celui qui est affronté à la mort.

La signalétique ou les paroles du texte

Pierre et Paul

http://www.culture-et-foi.com/

 

La signalétique ou les paroles du texte

1. L'opposition entre le serpent vivant et le serpent d'airain
Vas-tu dire que c'est de l'airain ? Regarde, il vit, il mange, il boit. Tu ne diras pas que ce n'est pas là un dieu vivant. Adore-le donc.

2. L'opposition entre le Dieu vivant et le serpent
C'est le Seigneur, mon Dieu que j'adore. C'est lui le Dieu vivant. Ô roi, si tu le permets, je tuerai le serpent sans épée ni bâton.

3. Le serpent vulnérable, atteint par la mort
Voyez ce que vous vénérez.

4. La révolte des Babyloniens contre le roi
Le roi s'est fait Juif, Bel il l'a laissé renverser, le serpent, il l'a laissé tuer, et les prêtres, il les a fait mourir.

5. Le roi doit livrer Daniel à la violence des Babyloniens
Livre-nous Daniel, sinon nous te ferons mourir, toi et ta maison.

6. La nourriture de l'ange de Dieu qui doit être portée par le prophète
Porte le repas que tu as là, à Babylone, à Daniel, dans la fosse aux lions.
- Seigneur, répondit Habacuc, je n'ai jamais vu Babylone et je ne connais pas cette fosse.

7. L'invitation faite à Daniel de prendre la nourriture
Daniel, Daniel, prends le repas que Dieu t'a envoyé.

8. Daniel remercie Dieu
Tu t'es souvenu de moi, ô mon Dieu, et tu n'as pas abandonné ceux qui t'aiment.

9. La confession de foi du roi
Tu es grand, Seigneur, Dieu de Daniel et il n'est pas d'autre dieu que toi.

Tout se joue ici sur la conception de la foi. Elle doit s'appuyer sur un Dieu vivant et non sur un serpent mort, pour conduire à la vie. Le Dieu vivant fait vivre par sa parole. La mort n'a pas prise sur le croyant. Parce qu'il en est témoin, le roi confesse sa foi dans le Dieu vivant de Daniel.

De la violence originelle au Dieu de la Parole

Daniel dans la fosse aux lions

http://www.culture.gouv.fr/culture/revue-inv/002/gj05.html

 

De la violence originelle au Dieu de la Parole

Alors que le dieu Bel était fait d'argile et de cuivre, le serpent qu'adorent les Babyloniens est un être vivant, qui mange et boit. Pour le roi, qui progresse en intelligence, grâce à l'enseignement par figures, que lui prodigue Daniel, la vie est un signe de la divinité. Mais le sage trouve étrange que l'on puisse adorer un animal. Qu'a donc ce serpent de plus qu'un être ordinaire ?

Par derrière le serpent, c'est la violence originelle qui est en cause

Daniel n'est pas assez stupide pour ignorer que les symboles ont plus de force que les réalités qui leur servent de support. C'est avec eux qu'il fonctionne constamment aussi bien spirituellement que mentalement. C'est sur eux qu'il s'appuie pour conseiller le roi. Or le serpent représente l'origine de la vie et il a pour particularité d'avoir un pouvoir de mort sur les hommes aussi bien que sur les animaux. Un lien est fait ici entre la vie à son origine et la violence ou la force de mort. La violence est présente dès l'origine de la vie. Et c'est bien elle que l'on retrouve chez les lions prêts à dévorer dans la fosse toute proche, comme s'ils étaient le rappel de la présence mystérieuse de l'animal des origines. Ainsi, par derrière le serpent, c'est la violence originelle qui est en cause : elle est une force terrifiante qui réactive la peur de la mort et, en même temps, elle possède une capacité d'attraction étonnante tant elle renvoie au mystère de la vie.

Daniel refuse la sacralisation de la violence originelle

Daniel connaît, plus qu'un autre, les secrets de l'âme humaine et il comprend mais n'approuve pas la réaction des hommes, autour de lui. La peur et la fascination les amènent à sacraliser la violence des origines pour se protéger contre la mort. Il sait bien que c'est une des origines de la religion, mais il prétend que la voie suivie est une fausse route qui se retourne contre l'homme. Pour parler vite, au lieu d'œuvrer pour la vie, la violence sacralisée renforce sa puissance de mort. Son raisonnement est simple : si la violence est à l'origine de la vie, elle doit la favoriser et non la détruire. Or la sacralisation conduit à sa destruction et non à sa promotion. C'est ce qu'il va essayer de montrer. L'enjeu dont il est question concerne tous les hommes et non seulement les Babyloniens. C'est pourquoi il agit avec une détermination qui nous déconcerte.

C'est la sacralisation qui confère à la violence originelle sa puissance de protection illusoire

Sous la forme symbolique que représente le serpent, la violence originelle est dans la complète indétermination. Par la sacralisation, l'homme cherche à en préciser les contours. Mais, ce faisant, il construit une idole et réduit le symbole à la chose. De ce fait, le symbole lui-même est détruit et son efficacité est complètement anéantie. Le croyant imagine alors que le serpent est un dieu et le vénère pour se protéger de la violence elle-même. Il ne voit pas alors qu'il ne fait que remplir un vide et la protection à laquelle il croit est purement imaginaire et n'a de force que celle de sa propre suggestion. S'il y avait une force dans la violence originelle, sous sa forme symbolique, il a réussi à la détourner dans la manipulation qu'il lui a imposée.

La désacralisation de l'idole révèle sa complète vulnérabilité

Daniel essaie de le montrer par un très simple stratagème. Il prépare une nourriture, faite de poix, de graisse et de crin, apte à bloquer complètement le fonctionnement digestif de l'animal. Après l'avoir fait cuire, il la donne au serpent, qui finit par crever. En agissant ainsi, il a réussi à faire une double opération. Il a d'abord désacralisé l'idole. Il a ensuite mimé ce que font les Babyloniens en nourrissant, de leur foi destructrice du symbole, l'animal vénéré. Il était facile alors, en voyant le serpent mort, de constater sa complète vulnérabilité et donc sa totale impuissance.

Daniel à l'épreuve de la violence originelle

Les Babyloniens ne peuvent accepter que le montage sur lequel ils on bâti leur vie soit, en un instant, complètement anéanti. Le pouvoir du roi lui-même est en jeu et sa vie est menacée. Ils le lui font remarquer sans aucune précaution. Ils sauront prendre leurs armes pour le faire disparaître. Le souverain a peur : il ne voit pas très clair. Daniel est serein même lorsque les émeutiers le jettent dans la fosse aux lions : il joue un autre jeu que celui imaginé par ses ennemis. Il entre dans un processus symbolique, soutenu par la foi en Yahvé. Le voilà confronté à la mort : il n'a pas d'autre choix que de traverser l'épreuve à ses risques et périls. Associant les lions au serpent, il sait bien qu'il y a une force de mort au départ de la vie et c'est avec elle qu'il veut jouer. Paralysés par la peur, les Babyloniens avaient jusqu'ici éliminé le jeu.

Le culte de la violence est un culte de mort

Ceux qui l'ont jeté dans la fosse aux lions cultivent la mort au lieu de cultiver la vie. C'est pourquoi ils ne peuvent pas jouer, car le jeu est toujours entre la vie et la mort. Leur attitude ici les trahit. Chaque jour, les sept lions reçoivent deux cadavres et deux moutons pour assouvir leur faim insatiable. Or, pendant six jours, ils seront privés de nourriture, par leur soin, pour qu'ils deviennent plus sanguinaires encore. En attisant les instincts meurtriers des lions, les Babyloniens sont pleinement dans le culte de la violence. Et, dans leur intention, ce culte de la violence doit conduire à la mort de Daniel, comme il conduit inévitablement à leur propre mort. Pour ne pas sombrer dans l'invraisemblable, il faut comprendre que l'auteur cherche à nous enseigner en nous racontant une histoire. Et c'est cette histoire qu'il faut interpréter. Les faits indiqués n'ont sans doute jamais existé sous la forme proposée. Mais ce décrochage avec la réalité banale est nécessaire pour nous faire entrer dans une autre réalité plus fondamentale.

Daniel n'est pas dans la sacralisation mais dans la symbolisation

Dans son enseignement, Daniel oppose la sacralisation des Babyloniens à un processus de symbolisation. La violence originelle est réellement une force de mort, qui peut détruire l'homme si elle est laissée à l'état sauvage. Une première réaction dictée par la peur consiste à l'écarter. C'est la réaction spontanée de la plupart des hommes, qui opèrent par la fuite et le déni. C'est aussi la réaction des Babyloniens, sous une forme religieuse plus élaborée. Mais nous avons vu déjà qu'une telle démarche ne faisait que renforcer la force de mort. Daniel opère d'une toute autre manière. Il suit un processus original pour rétablir le jeu entre la vie et la mort et pour faire de la force de mort, que représente la violence originelle, une véritable force de vie. C'est cela la symbolisation. L'excitation des lions est sans effet. Au contraire, elle vient manifester, par une sorte de retournement, l'éclatante victoire de la vie que permet la symbolisation.

A la violence originelle laissée à l'état sauvage, le prophète oppose la Parole de Dieu

Comme les textes précédents l'ont montré, à plusieurs reprises, le processus de symbolisation de la violence conduit à la parole. Et c'est ce que veut nous faire remarquer le texte, en nous proposant la petite histoire du prophète Habaquq. Le prophète est un homme de la parole et la nourriture qu'il est censé apporter n'est rien d'autre que la Parole de Dieu. C'est la Parole de Dieu qui nourrit le croyant. Il souligne qu'il s'agit de la nourriture des moissonneurs, c'est-à-dire celle de ceux qui sont dans la véritable voie, conduisant à la récolte des biens les plus précieux. Il y a, dans son propos, quelque chose d'extraordinaire ; il suggère en effet que la violence originelle est présente dans la Parole de Dieu, comme elle l'est dans la parole humaine. Par voie de conséquence, la Parole de Dieu ne peut être révélée et entendue, que lorsque l'homme est entré dans un processus de symbolisation qui permet d'intégrer sa propre violence et d'en faire une force de vie. Bien plus, pour le croyant, l'écoute de la Parole de Dieu est une réelle protection contre la violence sauvage et donc une nourriture appropriée pour s'en protéger parce qu'elle est porteuse de la dynamique de symbolisation que l'homme doit engager pour son propre compte. Ce que cherchaient les Babyloniens avec la sacralisation, c'est la Parole de Dieu qui l'apporte avec la symbolisation.

La violence originelle confondue

Au bout de six jours, le roi vient pleurer son ami Daniel. Mais, en regardant la fosse, il le voit vivant, entouré des lions, qui, comme des disciples, semblent l'écouter. Il comprend aussitôt. Non seulement, la violence originelle se trouve confondue, mais elle est convertie par l'écoute de la parole. Pour lui, un seuil vient d'être franchi : cette force de mort, qui faisait tellement peur que les Babyloniens l'avaient sacralisée pour essayer de s'en protéger, était devenue partie prenante dans le processus de la Parole. Non seulement elle avait perdu sa capacité de nuire, mais elle s'était transformée en une force intérieure, permettant d'abord d'écouter et ensuite de parler. Le véritable Dieu ne peut être que celui qui, par sa Parole, résout définitivement, en la dépassant, la contradiction fondamentale pour l'homme entre la mort et la vie, entre la force de mort et la force de vie. Le roi peut maintenant confesser Celui qui vient de se révéler : Tu es grand, Seigneur, Dieu de Daniel et il n'est d'autre dieu que toi.

La violence originelle finit par dévorer ceux qui l'ont sacralisée

Les détracteurs de Daniel sont jetés dans la fosse et aussitôt dévorés. En sacralisant la violence originelle, ils l'ont enfermée et l'ont ainsi empêché d'entrer dans un processus de symbolisation conduisant jusqu'à la Parole de Dieu elle-même. C'est précisément elle qui fait vivre en dépassant et en intégrant la force de mort. L'enjeu est de taille car le texte proposé nous montre que la violence originelle finit par dévorer ceux qui l'ont sacralisée. Même, en dehors de la perspective de foi dans laquelle Daniel nous situe, c'est toute civilisation qui se trouve jugée par ce texte : la sacralisation de la violence originelle conduit à la mort et sa symbolisation, à travers la parole, ouvre le chemin de la vie. L'homme, comme la culture, doivent choisir entre ces deux voies.

Daniel à la chapelle sixtine

http://membres.lycos.fr/aripa/DanielTeteCompare.html

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