Le buisson ardent




La violence au coeur de l'amour de Dieu et de l'homme

Le buisson ardent

http://www.ilebouchard.com/nicoldo/n257.htm

Moïse est un homme écartelé. Il se sent en même temps hébreu et égyptien. L'Écriture dit que sa mère est juive ; mais il a été recueilli par la fille du pharaon alors qu'il n'avait que trois mois. Pour conserver en vie son jeune garçon, à la suite d'un édit du roi qui imposait la mise à mort des fils des Hébreux au moment de la naissance, sa mère l'avait caché jusqu'à trois mois. Puis jouant le tout pour le tout, elle le déposa dans une corbeille enduite de papyrus, qu'elle plaça au milieu des roseaux sur la rive du Nil. C'est là que la fille du roi l'a trouvé et le prit en affection. Moïse a donc grandi à la Cour royale mais il supporte mal l'oppression des Hébreux auxquels il se sent charnellement rattaché. Un jour, parcourant la ville, il voit un Égyptien frapper un Israélite. Sentant monter en lui la colère, il tue l'Égyptien qu'il cache dans le sable, pensant n'être vu par personne. Le lendemain, ce sont deux Hébreux qui se battent entre eux. Il veut écarter l'agresseur. Celui-ci se rebelle en lui disant : " Qui t'a constitué comme notre chef et notre juge ? Veux-tu me tuer comme tu as tué l'Égyptien ? " L'histoire fait le tour de la ville et le pharaon lui-même décide de mettre à mort le jeune Moïse. Il faut partir rapidement. Le jeune homme se réfugie alors chez Jehtro, un prêtre de Madian. Il épouse sa fille et s'intègre dans la famille, participant sans doute au culte de son beau-père. C'est aussi lui qui mène paître le petit bétail de la maison.

 

Le buisson ardent et la révélation du nom divin

Moïse faisait paître le petit bétail de Jéthro,
Son beau-père, prêtre de Madian ;
Il l'emmena par-delà le désert
Et parvint à la montagne de Dieu, l'Horeb.
L'Ange de Yahvé lui apparut,
Dans une flamme de feu, du milieu du buisson.
Moïse regarda : le buisson était embrasé
Mais le buisson ne se consumait pas.
Moïse dit : "Je vais faire un détour pour voir cet étrange spectacle,
Et pourquoi le buisson ne se consume pas."
Yahvé vit qu'il faisait un détour pour voir,
Et Dieu l'appela du buisson.
"Moïse ! Moïse !", dit-il, et il répondit : "Me voici."
Il dit : "N'approche pas d'ici, retire tes sandales de tes pieds
Car le lieu où tu te tiens est une terre sainte."
Et il dit : "Je suis le Dieu de ton père,
Le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob."
Alors Moïse se voilà la face,
Car il craignait de fixer son regard sur Dieu.

Yahvé dit : "J'ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte.
J'ai entendu son cri devant ses oppresseurs ;
Oui, je connais ses angoisses.
Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens
Et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste,
Vers une terre qui ruisselle de lait et de miel,
Vers la demeure des Cananéens, des Hittites, des Amorites,
Des Périzzites, des Hivvites et des Jébuséens.
Maintenant, le cri des Israélites est venu jusqu'à moi,
Et j'ai vu l'oppression que font peser sur eux les Égyptiens.
Maintenant va, je t'envoie auprès du Pharaon,
Fais sortir d'Égypte mon peuple, les Israélites."

Moïse dit à Dieu : "Qui suis-je pour aller trouver Pharaon
Et faire sortir d'Égypte les Israélites ?"
Dieu dit : "Je serai avec toi, et voici le signe
Qui te montrera que c'est moi qui t'ai envoyé.
Quand tu feras sortir le peuple d'Égypte,
Vous servirez Dieu sur cette montagne."

Moïse dit à Dieu : "Voici, je vais trouver les Israélites
Et je leur dis : "Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous."
"Mais s'ils me disent : "Quel est son nom ?",
Que leur dirai-je ? "
Dieu dit à Moïse : "Je suis celui qui est."
Et il dit : "Voici ce que tu diras aux Israélites :
"Je suis" m'a envoyé vers vous."
Dieu dit encore à Moïse : "Tu parleras ainsi aux Israélites :
"Yahvé, le Dieu de vos pères, le Dieu d'Abraham,
le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob m'a envoyé vers vous.
C'est mon nom pour toujours, c'est ainsi que l'on m'invoquera
De génération en génération."
(Bible de Jérusalem, Exode, 3, 1-15)

La structure du texte

Moïse

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La structure du récit


1. Moïse avec le troupeau de son beau-père
Il monte sur la montagne de l'Horeb pour le faire paître

2. Le signe de la présence de Yahvé
Un buisson embrasé qui ne se consume pas et il fait un détour pour voir cet étrange spectacle

3. Moïse appelé par son nom, mais il doit se tenir à distance pour recevoir le nom de Yahvé
Il doit retirer ses sandales car le lieu où il se tient est une terre sainte

4. Première révélation : le dieu des Pères
" Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. " Moïse se voile la face pour ne pas fixer son regard sur Dieu

5. Moïse avec le troupeau de Yahvé
Yahvé a vu l'oppression de son peuple ; il envoie Moïse près de Pharaon pour le faire sortir d'Égypte

6. Le signe de la mission de Moïse
" Je serai avec toi, et voici le signe qui te montrera que c'est moi qui t'ai envoyé. Quand tu feras sortir le peuple d'Égypte, vous servirez Dieu sur cette montagne. "

7. Les Israélites vont demander à Moïse ses lettres de crédit : quel est le nom de ce Dieu des Pères, qui envoie Moïse vers eux ?
Moïse se souvient de son manque d'autorité lorsqu'il a voulu s'interposer au cours d'une bagarre entre deux Hébreux ; il ne veut pas se trouver dans la même situation

8. Seconde révélation de Dieu : " Je suis celui qui est "
" Voici que tu diras aux Israélites : " Je suis " m'a envoyé vers vous


9. " Celui qui est " sera aussi le dieu proche
" Yahvé, le Dieu de vos pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob m'a envoyé vers vous. C'est mon nom pour toujours, c'est ainsi que l'on m'invoquera de génération en génération. "

La structure du récit est tout entière centrée sur la mission de Moïse, pour faire sortir le peuple d'Israël d'Égypte. La double révélation du nom de Yahvé est faite pour accréditer une telle mission. Mais, en même temps, le caractère définitif et universel de ce nom, souligne la dimension symbolique centrale de la libération envisagée.

L'éclairage du texte par les images

Icône -Dios mio...

http://www.orthodoxworld.ru/spanish/icona/book/14/index.htm

 

L'éclairage du texte par les images

1. Moïse berger sur la montagne de l'Horeb
L'image du berger prend ici une dimension symbolique

2. Le buisson embrasé qui ne se consume pas
Ce phénomène évoque la nature paradoxale de Yahvé : il se sacrifie sans rien perdre de lui-même

3. Moïse qui doit se tenir à distance de Yahvé pour recevoir son nom
Il existe une séparation radicale entre Dieu et l'homme : l'espace de séparation entre les deux est l'espace sacré de la parole et de la révélation

4. Le Dieu des Pères
Yahvé est fondateur d'une filiation qui accorde un statut particulier au peuple hébreu

5. Yahvé sensible à l'oppression de son peuple
Il veut sa libération et demande à Moïse de le libérer en son nom

6. Le signe de la mission : le mont Horeb sera la montagne de Dieu pour les Hébreux
Ils apprendront ici à se sacrifier comme Dieu sans se détruire

7. L'autorité de Moïse qui doit s'appuyer sur le nom d'un autre
C'est le nom de Yahvé qui fondera la mission de Moïse

8. Je suis celui qui est ou le Dieu universel
Yahvé est celui qui se fonde lui-même contrairement à Moïse qui doit se fonder sur un autre

9. Le Dieu universel (Je suis celui qui est) est en même temps le Dieu proche
Il est le Dieu de tous les hommes mais il fonde, pour toujours, la filiation d'Israël. Par extension il semble être un Dieu proche pour toute l'humanité

Alors que la structure du récit met l'accent sur la mission de Moïse, les images centrent toutes les perspectives sur Yahvé, qui se sacrifie, se tient a distance de l'homme, fonde la filiation des Hébreux, ressent l'oppression de son peuple, décide de le libérer par l'intermédiaire de Moïse dont il fonde la mission… Il est le Dieu des Pères, mais il est aussi le Dieu de tous les hommes, un Dieu proche et un Dieu universel.

La signalétique ou les paroles du texte

Moïse -Alexandre Houllier 1997

http://theatrejeuneplume.free.fr/spectacles/apprenti%20sorcier/apprenti.htm

 

La signalétique ou les paroles du texte

1. Moïse intrigué par le buisson embrasé, qui ne se consume pas
Je vais faire un détour pour voir cet étrange spectacle, et pourquoi le buisson ne se consume pas.

2. Yahvé qui appelle Moïse par son nom
Moïse ! Moïse ! dit-il, et il répondit : Me voici.

3. Il ne faut pas s'approcher
N'approche pas d'ici, retire tes sandales de tes pieds car le lieu où tu te tiens est une terre sainte.

4. La première révélation du nom divin
Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob.

5. Yahvé a vu la misère de son peuple et envoie Moïse pour le libérer
J'ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J'ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel, vers la demeure des Cananéens, des Hittites, des Amorites, des Périzzites, des Hivvites et des Jébuséens. Maintenant, le cri des Israélites est venu jusqu'à moi, et j'ai vu l'oppression que font peser sur eux les Égyptiens. Maintenant va, je t'envoie auprès du Pharaon, fais sortir d'Égypte mon peuple, les Israélites.

6. Le signe de la mission de Moïse
Qui suis-je pour aller trouver Pharaon et faire sortir d'Égypte les Israélites ? - Je serai avec toi, et voici le signe qui te montrera que c'est moi qui t'ai envoyé. Quand tu feras sortir le peuple d'Égypte, vous servirez Dieu sur cette montagne.

7. Au nom de qui Moïse va-t-il intervenir auprès des Israélites ?
Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis : " Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous ". Mais s'ils me disent : " Quel est son nom ? " que leur dirai-je ?

8. La seconde révélation du nom divin
Je suis celui qui est… Voici ce que tu diras aux Israélites : " Je suis " m'a envoyé vers vous.

9. " Celui qui est " est aussi le Dieu des Pères
Tu parleras ainsi aux Israélites : " Yahvé, le Dieu de vos pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob m'a envoyé vers vous. C'est mon nom pour toujours, c'est ainsi qu'on m'invoquera de génération en génération ".

Les paroles insistent sur la vocation de Moïse, entremêlant la question que pose la vision, l'appel, la mission confiée et la révélation du nom de Dieu, qui justifie cette mission. Par delà le double nom qu'il révèle, Yahvé se présente comme le libérateur du peuple en particulier et de l'homme en général.

La violence au coeur de l'amour de Dieu et de l'homme

Dieu d'amour

http://catholique-rouen.cef.fr/publier/article.php3?id_article=199

 

La violence au coeur de l'amour de Dieu et de l'homme

Depuis quelque temps, la conscience de Moïse se réveille. Le pharaon qui le menaçait est mort et les Israélites subissent une oppression de plus en plus insupportable. Il aimerait bien leur venir en aide, mais il n'a aucune autorité pour le faire, comme lui a fait remarquer l'agresseur hébreu, qui menaçait son frère. Ses nuits deviennent de plus en plus agitées et son visage assombri ne laisse plus passer la lumière intérieure. Sa vie lui paraît totalement inutile tant qu'il ne ressert pas le lien avec son peuple d'origine. Mais comment faire ?

Moïse, berger, s'en va sur le Mont Horeb avec son petit bétail

Un matin, il se sent attiré vers le Mont Horeb. Le lieu est propice à la méditation et il pourra prier le Dieu des Madianites que Jehtro lui a fait connaître, pour sortir de la nuit profonde dans laquelle il se trouve. C'est ainsi qu'il conduit là-bas ses chèvres et ses moutons. Il les connaît tous et toutes par leur nom. Sans doute a-t-il même un chien qui l'aide à retrouver les égarés et lui tient compagnie dans les moments de tristesse comme aujourd'hui.

La violence au cœur de l'amour de Dieu

Soudain, alors que son esprit plonge encore dans l'obscurité, il aperçoit une lumière. Il pense que c'est un feu allumé par des bergers. Mais non, que ce feu est étrange ! Le buisson embrasé ne se consume pas. Le voici sorti de sa torpeur : il est transporté dans un autre monde. Nous le suivons en imagination dans son cheminement intérieur pour accompagner le lecteur dans la compréhension du texte. Moïse vacille, n'en croit pas ses yeux et se dit qu'il est le bénéficiaire d'une vision divine extraordinaire. Il y a ici le feu du sacrifice mais il pressent qu'à travers l'image du buisson plein de vie, c'est Dieu lui-même qui se sacrifie. Rapidement, il fait le lien : en Égypte, ce sont les Hébreux qui sont sacrifiés d'un sacrifice qui les conduit progressivement à la mort. Ici, c'est la vie qui prévaut puisque le buisson ne se consume pas. Le voilà en face de deux comportements qui s'opposent : lorsque l'Égyptien sacrifie l'autre, c'est pour l'opprimer et lui confisquer sa place. Lorsque Dieu se sacrifie, sans doute est-ce pour donner sa place à l'homme, sans pourtant rien perdre de sa divinité. En tout cas, c'est ce qu'il comprend confusément. L'image du sacrifice d'Abraham évoqué, il y a longtemps, par sa mère et sa sœur, lui remonte à la mémoire. Abraham allait détruire Isaac et son avenir en le sacrifiant à Yahvé. Soudain, en voyant le bélier, il reconnaît sa propre toute-puissance paternelle et sexuelle, qui opprime son fils et l'empêche de vivre. Ramenant alors le couteau vers lui, c'est sa toute-puissance qu'il va sacrifier en immolant l'animal et ce sacrifice va libérer Isaac et lui donner toute sa place. En agissant ainsi, non seulement il ne perd rien de son autorité, mais il accomplit sa mission de père. La lumière est encore pleine d'obscurité, mais elle pénètre peu à peu dans son esprit : il est en face d'un Dieu qui se sacrifie pour faire sa place à (l'autre) l'homme. Comme il est loin maintenant de l'idée qu'il se faisait du dieu de Madian ! Comme est loin aussi l'idée qu'il se faisait de l'homme ! Ce n'est plus l'homme qui se sacrifie pour Dieu, mais c'est Dieu lui-même qui se sacrifie pour l'homme. Ainsi, à travers le sacrifice, la violence se trouve être au cœur de l'amour de Dieu.

L'espace de séparation pour entrer en relation

Moïse est curieux. Il fait un détour pour voir mieux encore et comprendre pourquoi le buisson ne se consume pas. Mais Yahvé l'interpelle : il faut décrocher du voir. Il est temps de passer à la parole, car l'homme ne peut voir Dieu sans mourir ; il ne peut le connaître qu'à travers sa parole. Moïse se met à écouter : le lieu où il se trouve est sacré. C'est une terre sainte. Yahvé pourtant ne lui demande pas de s'éloigner mais d'enlever ses chaussures par respect pour son interlocuteur. Il se trouve dans l'espace qui sépare le territoire de Dieu et le territoire de l'homme. Une frontière est nécessaire entre les êtres pour que chacun ait sa place et puisse être lui-même. Et, il faut se mettre à la marge, à la frontière ou dans l'entre-deux, pour pouvoir parler à l'Autre et écouter ce qu'il veut dire. L'espace de séparation est aussi l'espace de la parole, qui permet d'être en relation. Il n'existe pas de relation sans séparation.

Le Dieu de la filiation

En réalité, le Dieu qui se sacrifie pour l'homme est le Dieu des Pères. A côté de la filiation humaine s'est instaurée une filiation divine, qui englobe toutes les générations d'Israël depuis Abraham et, à travers elles, toutes les générations humaines. Yahvé est le Père par excellence et c'est ainsi qu'il se présente maintenant à Moïse. Aussi comme Abraham s'est sacrifié pour son fils Isaac, le Père de tous les pères se sacrifie pour tous ses fils les hommes et d'abord pour les enfants d'Israël. Or, comme nous l'avons souligné déjà, se sacrifier au sens fort, c'est faire sa place à l'autre.

Moïse, berger d'Israël pour le libérer de l'oppression

En Égypte, Le peuple d'Israël n'a pas sa place. Il est opprimé, pressé de tous côtés, livré à l'angoisse à chaque moment de la journée. Une telle situation est contraire à la nature même de Dieu qui se sacrifie pour que chacun ait sa place. C'est pourquoi, sans plus attendre, il descend sur terre, bien décidé à délivrer le peuple souffrant de la main des Égyptiens. En fait, il lui est difficile d'agir directement ; Moïse sera son intermédiaire, invité lui aussi, dans la mission qui lui est confiée, à se sacrifier pour libérer ceux qui sont rendus à l'état d'esclaves. Il était jusqu'ici le berger de brebis et de chèvres. Il deviendra le berger d'Israël pour l'emmener vers " une terre plantureuse et vaste, une terre qui ruisselle de lait et de miel ". A travers cet épisode, la libération de l'homme apparaît comme l'expression même de l'amour de Dieu que chacun est appelé à imiter et à concrétiser. Un tel travail ne peut se faire sans la violence qui opère la séparation nécessaire : la mission de Moïse consistera à arracher le peuple des mains qui l'emprisonnent, à le faire sortir du pays qui le retient pour le mettre à son service.

La violence au cœur de l'amour de l'homme

On voit bien, dans la mission confiée à Moïse, que la violence est au cœur de l'amour de l'homme, comme elle est au cœur de l'amour de Dieu. Yahvé lui-même essaie de le faire comprendre à celui qu'il envoie. Il pressent que Moïse a besoin d'un signe pour être assuré qu'il n'est pas dans l'illusion : il est si facile de s'enfermer dans l'imaginaire qui fait de l'homme un héros. En réalité, Moïse sera sûr de l'authenticité de sa mission, lorsque le peuple, après sa libération d'Égypte, viendra servir Dieu sur la montagne de l'Horeb. A travers la vision du buisson ardent, Yahvé a non seulement voulu révéler sa nature profonde, mais il a donné, en même temps, le modèle de tout sacrifice. Si donc le peuple d'Israël, par une impulsion divine, vient servir Dieu sur la montagne de la révélation, ce sera pour apprendre lui aussi à se sacrifier pour que l'autre ait sa place. Autrement dit, ce sera pour essayer d'aimer à la manière de Dieu qui l'a libéré. Ainsi se manifestera le signe que Yahvé est en réalité celui qui conduit le peuple à travers la personne de Moïse lui-même. Et, dans ce cheminement, la violence sera bien au cœur de l'amour de l'homme, comme elle est au cœur de l'amour de Dieu.

La demande du nom

Moïse, toutefois, veut prendre ses précautions. Lorsqu'il a voulu séparer, il y a longtemps, les deux Hébreux qui se battaient, l'agresseur lui a demandé de qui il tenait son autorité. La tâche sera aujourd'hui beaucoup plus compliquée. Aussi les Israélites ne manqueront-ils pas de lui demander ses lettres de mission. Ils voudront savoir, à coup sûr, le nom de celui qui l'envoie. Mais Dieu n'est pas un homme : il n'est pas un être comme les autres. Quel est le nom qui peut le définir de manière précise ? Un nom qui ne soit pas un passe-partout mais une véritable révélation, susceptible de leur poser question et de les faire réfléchir. Moïse est dans l'attente, tout entier dans l'écoute d'une parole décisive.

Le nom du Dieu universel : Je suis celui qui est

La parole se contracte pour contenir le maître de l'univers, comme si la simplicité était du côté de Dieu et la complexité du côté du monde. La réponse est précise et brève : elle tient en quelques mots, en une toute petite phrase : Je suis celui qui est. Mais la phrase se simplifie encore : Je suis. Ici le sujet se confond avec le verbe. Yahvé est l'être par excellence, celui qui est à la source de tout, autrement dit celui qui se fonde lui-même et qui fonde l'existence du monde et de toutes les créatures. Ainsi celui qui envoie Moïse est le Dieu universel, le Dieu de tous les hommes.

Dieu est dans la tension entre être et aimer : la violence est aussi au cœur de l'Être

Mais Yahvé se reprend, le Dieu universel, qui domine le monde, est aussi un Dieu proche : le Dieu des Pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. Le Dieu universel et le Dieu proche sont un seul et même Dieu. Et c'est ce Dieu qui donne mission à Moïse de libérer le peuple d'Israël. C'est le signe que la libération de l'oppression concerne non seulement l'histoire des Hébreux, mais aussi l'histoire de tous les hommes et de chaque homme en particulier.

A travers cet événement et la révélation qui vient d'être faite, Dieu se présente dans la tension entre être (le Dieu universel) et aimer (le Dieu proche), à tel point que, chez Lui, les deux en viennent mystérieusement à se confondre. Se sacrifier pour faire sa place à l'autre, c'est lui permettre d'exister. Être implique ici le faire exister l'autre. Ainsi, la violence ne serait pas simplement au cœur de l'amour : elle serait aussi au cœur de l'être lui-même.

 

 

L'amour, c'est divin

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