Noël, l'homme est dieu mais il l'a oublié





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Noël, l'homme est dieu mais il l'a oublié

 

Les mages arrivent à Bethléem guidés par une étoile. Ils viennent chargés de toute l'histoire du monde et portent comme un trésor le savoir des temps anciens. Ce trésor est offert à l'enfant qui vient de naître : il doit être l'étoile qui guidera sa vie pour l'inscrire au croisement de l'espace et du temps des hommes.

La lumière des origines

Il y a déjà très longtemps, tous les peuples de la terre ont été éclairés par une grande lumière. Ils en ont fait des mythes véhiculés par la parole et peu à peu consignés dans l'Écriture du monde. Dans ce document à variations multiples, qui portait la Parole, l'avenir était en gestation. La lumière se cachait et se révélait en même temps. Il fallait questionner l'Écriture pour pouvoir l'interpréter : elle constituait l'inconscient de l'humanité, protégé par son obscurité même. Toute interprétation ne pouvait représenter qu'une partie, sans doute infime, du message à déchiffrer et les hommes devaient être amenés à reprendre sans cesse le travail effectué par les générations précédentes.

Dieu est Lumière

S'il est une vérité première dans les mythes, c'est que Dieu est Lumière. Sans doute existe-t-il de multiples dieux qui préfigurent la prochaine naissance de l'homme. Mais au-dessus de tous ces dieux, en Égypte par exemple, surgit Atoum, la Lumière par excellence. (Dans notre réflexion nous nous référerons essentiellement aux mythes égyptiens.) Au départ, la lumière est enfermée dans les ténèbres. Elle finit par se séparer de l'ombre, provoquant une explosion d'existence, qui fait apparaître un astre extraordinaire. Atoum est en même temps celui qui le conduit sur son char, dans son périple journalier, et le soleil lui-même. Ce sont là des images pour orienter notre imaginaire vers la conception d'un être lumineux qui se donne à lui-même l'existence.

L'amour est lumière

Pour le Dieu par excellence, dans le même contexte mythique, l'existence, la lumière et l'amour se recouvrent entièrement. L'Amour est Lumière. Il est ce à partir de quoi tout peut être expliqué. Nous sommes dans une métaphysique de l'Amour et non pas dans une métaphysique de l'Être. C'est le cœur qui conçoit. Mais il faudra passer par la question pour faire passer ce que l'amour a conçu dans la parole créatrice elle-même. Au départ, ce qui est conçu par le cœur reste protégé par une enveloppe matricielle. La question devra agir comme le bistouri du chirurgien pour provoquer sa déchirure et permettre ainsi le passage de l'inconscient à la conscience dans la parole elle-même. Ici, l'amour et la parole entretiennent entre eux une relation très étroite mais la parole ne se suffit pas à elle-même car elle est engendrée par l'amour dont elle dépend.

L'homme est dieu : il est né de la lumière

Dans cet univers mythique, l'homme est un morceau d'étoile. Il y a, en lui, une lumière, profondément enfouie, qui en fait un dieu. Très souvent les dieux grecs, comme on l'a déjà suggéré, ne sont qu'une préfiguration de l'être humain, comme si l'homme, perdant la toute-puissance, était un être plus parfait que les dieux qui le précèdent et semblent le dominer. Dans le mythe du paradis terrestre, il y a aussi cette idée que l'homme et Dieu sont, à l'origine, en parfaite connivence, constituant une même famille dont les membres communiquent par la parole. Dieu parle à l'homme et l'homme lui répond. C'est une manière de dire que l'être humain a la conscience confuse de faire partie d'un monde divin.

Les larmes de Dieu

Dans l'univers égyptien, il existe plusieurs textes, montrant que l'homme est né des larmes du Dieu Atoum. Ce Dieu manque de lui-même parce qu'il manque de l'autre, comme l'évoquent ses pleurs. Pour combler ce manque, il en vient à créer l'homme. Agissant ainsi, il s'implique dans sa création, liant son sort à un nouvel être qui est à son image. Le désir qui naît du manque et de l'absence suscitera entre eux une relation d'amour, vouée à un long travail d'approche et d'éloignement, pour inventer une nouvelle manière d'aimer où la séparation est la condition même d'une plus grande intimité. Bien plus la vocation de l'homme est ici présentée comme un appel à rendre présent sur terre le Dieu qui a pris de la distance pour lui permettre tout simplement d'exister.

L'homme se détourne de la lumière

Le mythe est la lumière des origines. Mais il est insaisissable. On ne peut s'approprier la lumière. Survient alors la tentation de la connaissance. Il faut faire émerger la raison du mythe, dans une perspective louable et nécessaire. Mais pour mieux maîtriser la connaissance, l'homme se détourne du mythe. La raison et la parole finissent par s'appauvrir au fil du temps et par tourner sur elles-mêmes, parce qu'elles sont déliées de la lumière qui leur a donné naissance et leur permet d'exister. En perdant le mythe, les hommes perdent le sens.

L'être humain est plongé dans la nuit et oublie qu'il est dieu

C'est l'entrée dans la nuit. L'être humain finit par oublier qu'il est dieu. En perdant la lumière, il perd le lien qui le rattache à l'Autre. Son univers s'étiole. Il devient incapable d'assumer la violence et la mort pour en faire une force de vie. Comme son espace se rétrécit dangereusement, toute limite devient une menace qu'il écarte. En perdant le mythe, l'homme en vient ainsi à perdre son corps. Sans même le vouloir, il provoque une désincarnation de Dieu.

La Lumière qui porte la Parole

Le mage est la figure de l'homme qui ne s'est pas écarté du mythe. L'étoile des origines le conduit jusqu'à l'étable de Bethléem. D'emblée il est en connivence avec l'enfant qui vient de naître, avec l'accomplissement de l'incarnation de Dieu. Il reconnaît en ce petit d'homme la Lumière qui porte la Parole. Pour lui, toute l'histoire de l'humanité est une longue marche vers ce moment privilégié, vers l'émergence nouvelle de la Lumière, apparue dans les premiers temps de l'humanité. Son dernier voyage marque apparemment la fin du pèlerinage. Mais est-ce si sûr ?

Revenir à la lumière des origines

Maintenant le mage fait le voyage inverse. Il retourne au mythe, vers la lumière des origines. L'incarnation de Dieu est un accomplissement. Mais il sait pourtant qu'elle est aussi un nouveau commencement. Car si Jésus est bien le Fils de Dieu, il doit entraîner tous les êtres humains dans son sillage. Et, pour entrer dans cette nouvelle histoire, les hommes sont invités à reprendre pied dans les mythes, qui leur ont donné naissance. Ils vont ainsi retrouver le sens du corps et poursuivre, bien ancrés sur leurs deux jambes, le long cheminement de l'incarnation de Dieu. A la suite des premiers mages, ils pourront ainsi venir vers Jésus avec toutes les richesses du monde, établissant un lien entre la Lumière des origines et la Lumière qui porte la Parole.

Etienne Duval
Le 28 décembre 2006

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